VISAGE D'AMI
Te souviens-tu de cette nuit
Où tu vins frapper à ma porte?
Tu la fermas sans bruit derrière toi
Me fixant de ton regard pénétrant.
Mon Ami,
Te souviens-tu de cette nuit-là?
Tu posas là ton corps robuste
Alourdi par l'âge et la fatigue.
Tu me fixas encore de ton regard pénétrant
De ce regard qui passe et qui va droit dans l'âme
L'illuminant de son éclat.
Pas un mot ne sortit de ta bouche
Tes lèvres demeurèrent serrées
Et ta bouche muette.
Seul ton visage tenait un langage.
Ce visage que j'avais connu
Aussi frais que la rose du printemps
Aussi rayonnant que le soleil à l'aurore.
Ce visage que j'avais connu
Aussi typé, aussi racé
Qu'un beau chêne de mes montagnes basques.
Visage aimé
Que tu me présentas
Au soir de ta vie
Labouré de rides profondes
Sur tout le pourtour
Et sur toute la surface!
Visage aimé
Que tu me présentas
A l'achèvement de ton itinéraire terrestre
Marqué de lignes compliquées et enchevêtrées!
Il faisait sombre dans le monde.
Comme de lourds nuages obscurcissaient tes yeux.
Tu n'avais plus de fortune
Si ce n'est ce visage
Encore rayonnant d'une lumineuse jeunesse
Encore vivant d'une éternelle vie.
Et tu me l'apportas
Pour y lire ride par ride
L'histoire de ta vie;
Pour y suivre ligne par ligne
L'itinéraire de ta vie.
Mon Ami, te souviens-tu encore de cette nuit-là?
1960-11-23