LE MERCI DU FRÈRE QUÊTEUR
Gure Herria 6, 1959ko abendua, 337.orr.
Cétait un mendiant qui débouchait en ce matin da mars, sur le pont qui ouvre sur Mauléon. Un drôle de mendiant, habillé d'une bure usagée, serrée à la taille d'une corde toute blanche!
Muni d'un gros sac à dos, il s'avançait à petits pas, tout timide et le regard pénétrant. D'un seul coup d'oeil il parcourait cette ville de Mauléon, bruyante et laborieuse. Un moment, il hésitait, le coeur lourd d'appréhension à la pensée de devoir frapper à toutes ces portes inconnues. Et, comme un refrain entrainant, il entendait ces paraboles du Poverelle d'Assise disant à ses petits frères: "Les Frères ne doivent rien s'approprier, ni maison, ni terrain, ni aucune chose. Comme des pèlerins et des étrangers en ce monde, servant le Seigneur dans la pauvreté et l'humilité, ils iront à la quête avec confiance, sans rougir, car le Seigneur pour nous s'est fait pauvre en ce monde". (règle de Saint-François. Chap.VI).
Comme l'oiseau qui chante dans la verte campagne... comme la petite fleur qui pousse sur la terre humide, comme le ruisseau qui murmure au creux de nos montagnes... Lui, petit frère de Saint François d'Assise, il était de ces fous qui acceptent de tout quitter pour être au milieu des frères humains qui souffrent et qui peinent, le témoin d'un Dieu qui fait pleuvoir et donne son soleil aussi bien sur les méchants que sur les bons, témoin du Dieu qui est Amour. Il avait cette audace.
Il reprenait la route, car là-bas à Saint-Palais, dans son petit nid, il y avait d'autres frères, d'autres tout-petits qui attendaient le morceau de pain que l'on se partage en famille et qui réchauffe au creux de l'estomac et qui réjouit le coeur. D'autres franciscains prêtres qui allaient prêcher dans les églises et dans les groupes le message évangélique. D'autres tout jeunes qui se préparaient et qui à leur tour partiraient un jour comme missionnaire en France et sur les autres continents du monde pour porter ce même témoignage de paix et d'amour dont les hommes ont faim...
Aujourd'hui, il était en cette terre de Soule qu'il aimait, puisque là il avait grandi et connu les conditions de travail, parfois difficiles, de ceux qui ont pour vocation de nourrir l'humanité. Il commençait sa longue route, frappant à toutes les portes. Elles s'ouvraient ces portes, toutes grandes. Quelle joie! Quel réconfort! Et puis, tous ces visages, qui vous accueillent, qui vous mettent de suite à l'aise! Et puis, tous ces sourires des jeunes, des plus âgés... qui accompagnent les premiers mots de salutation. Ces paroles échangées ensemble, ces dialogues engagés... pour s'expliquer, mieux se comprendre et mieux s'aimer. Ces gestes du don, tout simples, généreux, qui traduisent, expriment l'ouverture du coeur. Chacun donnant, gratuitement, de ce qu'il a, autant qu'il le peut... Ce billet, cette pièce, c'est une goutte de sa sueur versée dans tel atelier, dans tel bureau, dans tel champ, dans tel emploi... C'est la part du Seigneur, la plus grande: celle que toutes ces femmes, celle que tous ces hommes Lui gardent au plus profond d'eux-mêmes.
Le petit frère mendiant s'en est retourné dans son couvent qui se restaure petit à petit... Il y a aussi partagé avec eux tous les soucis, toutes les inquiétudes, toutes les joies de ces bienfaiteurs qu'il a connus l'espace d'un instant. De tout cela son coeur en est rempli à déborder... Alors ils portent tout cela ensemble... dans une prière communautaire qu'ils iront renouveler chaque jour devant le Seigneur.
Au coin de notre jardin un oiseau chantait sur le bord de son nid, auprès de ses oisillons rassasiés. Il chantait de joie. Il chantait son merci à cette nature généreuse. Et son chant l'écho l'emportait au loin, au loin... et la nature se mit à sourire.
Revenu dans mon couvent, dans un recoin de notre chapelle, avec tous mes frères rassemblés, rassasiés, je chante aussi. Je chante un Merci au Seigneur pour le clergé mauléonnais: M.l'archiprêtre et ses vicaires si ouverts, si dynamiques... qui m'ont soutenu par leur accueil fraternel et sacerdotal, et je demande à Notre-Seigneur, qu'Il rende fécond leur travail apostolique. Je chante un Merci au Seigneur d'avoir mis tant d'amour et de compréhension dans vos coeurs, gens de Mauléon qui m'avez accueilli si ouvertement et qui avez compris ma mission. Que le divin Maître protège vos foyers, qu'Il dirige vos expériences, qu'il bénisse votre travail, qu'il vous assiste dans vos épreuves et vos joies, qu'Il vous garde dans la Foi et l'Espérance.