MANEX ERDOZAINTZI

ATTITUDE BASQUE ET JEUNES NATIONS EN MARCHE

Elgar, 1957ko maiatza/ekaina/uztaila

(SIMPLES REFLEXIONS DE BON SENS)

En présence des difficultés à surmonter; en présence de nouveaux problèmes et de conflits qui chaque jour surgissent en quelque point du globe, il serait tentant de vouloir se retrancher dans le confort d'une vie lucrative, mais combien égoïste. Plus que jamais il importe de penser, non certes pour le plaisir de penser, mais pour se refaire des forces spirituelles en vue d'une action toujours plus efficace.

Au moment où le monde souffre d'une crise de croissance profonde, il me semble qu'on n'a pas le droit de s'évader de notre milieu de vie... mais qu'au contraire il faut savoir y demeurer présent et nous efforcer à réfléchir: essayer de voir clair et avoir une "atittude". Ne pas se contenter de ce que nous rapporte "notre" journal habituel... ou bien de ce que l'on apprend soit par la radio, soit par les différents reportages aussi peu objectifs que cela peut l'être. Ne pas se laisser guider par nos instincts, mais s'efforcer d'avoir une pensée personnelle, qui doit s'exprimer par notre "attitude".

L'évolution ou plutôt l'entrée dans la scène du monde des jeunes nationalités est le grand événement de notre époque. Et il me semble que nous autres, Basques, nous y sommes beaucoup plus sensibles que les vieilles et grandes nations d'Europe. En effet notre tradition démocratique nous permet de mieux comprendre cette évolution vers l'égalité et la justice; il est donc de notre devoir de travailler à ce que cette évolution qui, normalement, doit aboutir à l'autonomie, se fasse sans rejet des "nations modernes" de la part des "pays sous-développés".

Nous assistons à la désagrégation de tout le "système" colonial, qui doit disparaître tel qu'il existe aujourd'hui. Après les grandes conquêtes qui ont abouti à la formation d'empires (égyptien, chaldéen, assyrien, perse, romain...) la colonisation avait revêtu une forme nouvelle au XV et XVI siècles grâce à la découverte et à l'usage des armes à feu en Europe. Au moyen de la domination politique par la force il devenait donc facile de garantir le monopole économique. S'il y eut des Savorgnan de Brazza, il y eut aussi en trop grand nombre des "profiteurs"; de ces "colonialistes" cupides. Pour preuve il suffirait d'interroger l'histoire des explorations; on serait ahuri de constater de quelle façon inhumaine elles se sont réalisées, "...Nous n'avons pas le droit de minimiser les tortures en masse, car les crimes contre l'humanité qui se sont commis dans un passé récent en Europe centrale et orientale repoussent dans l'ombre l'extermination des possesseurs légitimes du sol américain par les intrus.

Si encore ont avait remplacé, chez les Caraïbes, le goût pour la chair humaine et la chasse aux têtes par quelque chose de réellement supérieur, on pourrait considérer avec moins d'horreur l'histoire des découvertes. Mais ce qu'on leur a apporté d'Europe en guise de bienfaits, ce fut ce dont l'homme  blanc souffre lui-même comme d'une punition des corvées et des impôts". Hans Leip: "Le roman du gulf-stream". Que ne pourrait-on dire de l'esclavage organisé!

Bientôt des conflits commerciaux et de limites ne tardèrent pas à surgir, qui contribuèrent à faire naître chez l'indigène le sentiment de révolte et à durcir par ailleurs le système colonial. Ce sentiment de révolte nous l'avons ressenti nous-mêmes vis-à-vis du pouvoir centralisatrice, visant à tout planifier et à étouffer toute expression de culture régionale, absolument riche et originale. Aujourd'hui c'est tout ce"système", en tant qu'il s'est constitué en système, qui est devenu insupportable et inefficace. Il est périmé et il s'agit donc de le dépasser, étant donné que la colonisation ne constitue "qu'une phase de l'évolution des peuples" (Mgr Chappouilie, Evêque d'Angers).

Nous nous devons donc de travailler et de collaborer à la transformation politique, économique, sociale, culturelle et religieuse des pays coloniaux, dans la fidélité à leur originalité propre. Hier le Viet-Nam, aujourd'hui l'Afrique du Nord, demain l'Afrique Noire; déjà le Togo affirma sa "personnalité". Nous ne devons aucunement demeurer aveuglés par quelque intérêt matériel, et les problèmes humains ne doivent pas être traités du seul point de vue économique. Car l'économie n'existe qu'en fonction de l'homme, en vue de lui assurer un minimun de bien-être. Les revendications légitimes naissent toujours au sein d'hommes qui prennent conscience de leur personnalité et qui veulent atteindre leur majorité. Quoi de plus normal? Doit-on refuser cette évolution "nécessaire"? Nullement. Bien au contraire, nous devons la favoriser. Alioume Diop disait il y a quelques années: "le plus urgent est de donner aux hommes d'outre-mer les moyens techniques qui leur permettraient de prendre conscience d'abord de leur situation géographique, economique et politique, puis de leur situation spirituelle et de leur position en face de la culture ou des cultures européennes, en face des valeurs européennes. Il faut leur donner les moyens de se définir progressivement jusqu'à ce que s'instaure enfin un langage qui serait commun aux Africains et aux autres. Car il y a dans toute civilisation deux types de langage: celui qui prend sa source dans l'originalité du sol et de l'histoire, et un langage d'une portée plus vaste qui se veut universaliste et qui peu à peu se constitue et se met au service de tous les hommes. Mais ce langage ne peut être fixé par la seule Europe: il ne peut être mis en usage qu'avec le concours soutenu de tous les hommes et de toutes les civilisations" (Robert de Montvalon in "Ces pays qu'on n'appellera plus colonies" p.36 et 37.).

J'ai parlé d'attitude basque; non certes dans le sens qu'on puisse la définir; une attitude ne se définit pas, tout au plus peut-on prétendre à la décrire, à l'analyser. Mais cependant je pense qu'on peut parler d'une "attitude basque" vis-à-vis des jeunes nations en marche.

Cette attitude basque s'exprime tout d'abord par la compréhension. A vrai dire nous n'avons pas une histoire mouvementée. Depuis notre installation sur les deux versants des Pyrénées Occidentales, nous avons vécu dans la paix et la tranquillité, quoique nous ayons dû fortement résister contre les invasions successives, et contre toutes les tentatives d'assimilation du pouvoir central. Et pourtant parce que nous ne pouvons pas (?) un cataloque riche de (?)tes historiques, d'aucuns croient que nous n'avons pas d'histoire. Je pense pour ma part que l'histoire d'un peuple, n'est pas uniquement un recueil d'évenements historiques. Il y a bien davantage. L'histoire d'un peuple c'est son existence dans l'espace et sa durée dans le temps. Nous existons depuis des millénaires; nous existons d'une existence originale depuis des millénaires. Il faudrait pouvoir développer ici tout le contenu de ce droit coutumier qui était en vigueur dans nos sept Provinces et que témoigne bien de l'âme de notre histoire; "...Aujourd'hui nous ignorons quand le premier "batzar" s'installa. "Batzar" est le mot basque qui désigne parlement, congrès, gouvernement parlementaire. Mais dès le temps les plus reculés les Basques n'acceptèrent jamais d'autre forme de gouvernement que la démocratie. Longtemps avant l'existence de la France et de l'Espagne comme Etats, des siècles avant la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb, les Basques, sous l'arbre de Guernika, codifièrent pour la postérité ces lois d'égalité et de justice qu'on ne trouvait alors que chez eux... L'interdiction de la torture, prononcée par une loi au XVe siècle, la réglementation du droit de propriété pour empêcher des abus sociaux, la liberté du commerce et combien d'autres mesures qui nous semblent aujourd'hui même progressistes, tout cela constituait la base de la vie des Basques et de leurs libertés séculaires" (Jose Antonio de Aguirre, cité par Joseph Martray, in "Euzkadi" p.4 et 5.).

L'âme de notre peuple s'est développée dans cette atmosphère d'égalité et de justice; et nos réactions sont l'expression de notre âme. Toute notre histoire est une lutte pour la liberté: pouvoir se diriger soi-même; pouvoir opter pour telle ou telle orientation; pouvoir dialoguer de plein pied avec les autres nationalistes. Aspiration légitime de tout groupement ethnique assez important pour pouvoir se constituer en nation et revendiquer l'autonomie, sans pour autant se séparer des autres nations. C'est là un phénomène naturel. Faute de le comprendre nous risquerions de saper notre propre avenir.

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